… Aime voir son point de vue confirmé… Quique Dacosta. One of the Best of the Best
Il y a des moments où le doute s’empare de moi… Et si j’avais rêvé… Et si je n’étais jamais allée à Dénia… Ou peut-être que j’y suis allée mais que j’ai imaginé y rencontrer un Immense Chef?… A moins que ce Chef existe mais que sa cuisine ne soit pas si dingue que ça… Alors il faut que j’y retourne accompagnée d’un témoin… Pas n’importe lequel. Un témoin qualifié… Il y a eu Marie… Puis San… Et d’autres encore…
Pour cette dernière fois de l’année 2011, j’ai demandé à un Chef que je connais à peine. Mais je sais déjà qu’il navigue sur une sensibilité proche de la mienne, ou, tout du moins, que son style me sied à merveille et que son témoignage me conviendra… Alors au hasard d’une rapide discussion, je lui propose de venir avec moi. Sans hésiter, il acquiesce. Je dois admettre que ça m’a un peu coupé la respiration… Nous ne nous connaissons pas (peu) et sans réfléchir, il décide de me faire confiance! Parce qu’il faut bien un brin de confiance pour prendre un avion, une voiture, un hôtel, avec femme et enfant, et aller passer 2 jours, à 1500 kms de là, uniquement pour une menu dégustation dans un restaurant qui n’a même pas passé la marche des 50 premiers de la lista inglesa et à qui le Michelin refuse la 3ième…
Quique Dacosta… Dernier déjeuner avant la trêve hivernale… En très belle compagnie…
Après un apéritif généreux et une copa de cava, partagés dans le salon extérieur, et où je sentis déjà mon témoin pencher du côté des convaincus, nous avons pris place dans la blancheur sobre et rafraîchissante de cette salle que je connais bien… A partir de là, deux expériences se vivent en simultané. Pour moi, c’est le cœur qui bondit à chaque apparition de plat, parce que je les connais et parce que, avant même d’avoir attrapé ma fourchette, je sais l’immense bonheur que je vais avoir à les dévorer. Pour mon témoin, et son épouse, tout aussi témoin qualifié que lui, ce sera l’expérience de la première fois. L’initiation. La découverte. Alors je pourrais mêler mon plaisir de retrouver mes mets favoris à celui de partager une « première gorgée de bière ».
Nid de tourterelle
Retour 14 mois en arrière, où mon premier bal ici commençait sur ce petit chant d’oiseau
Fin filet de maquereau mariné, servi sur sa feuille « rompe piedra » parce qu’elle vous incise la langue de son pimenté façon wasabi… Bon et brillant comme une pièce d’argenterie
Salaison d’ici et ses oignons marinés en acide mineur. Huile d’olive fruitée, papier de céréales (que j’ai oublié de photographier!)
Figues séchées pour se laver le palais de la force des salaisons et reprendre la dégustation en douceur
Là, clairement, mon cœur et mon palais s’excitent à l’unisson. Je ne peux retenir mon bonheur à l’apparition de « mon » avocat… Avocat à la maturité parfaite, servi dans un dashi léger et fumé, le tout relevé de sel noir et d’une Microplanée de noyau de l’avocat… Crying Stéphanie… Ce plat est de l’ordre du divin. Ce plat cumule une simplicité déconcertante (en apparence), un accord que seul un esprit hors du commun peut imaginer et que seul un Chef (et une équipe) d’un perfectionnisme extrême peut réaliser.
« Xufas »… Restée accrochée au sommet… Tigernuts (ces fameuses … qui permettent la fabrication du la horchata), et pépites de foie gras… La truffe s’est immiscée dans cette petite flaque beige et brillante… Là encore, avant de glisser ma cuillère dans cette crème, je sais. Je sais que ma langue va se frotter contre un tissu entre velours et soie. Je sais qu’elle va jouer à éclater les pépites, une à une, contre mon palais. Je sais qu’elle va se noyer dans l’équilibre et la fraîcheur de cette horchata sublime… Mais ce que je ne savais pas, c’est que je verrais mes témoins plonger avec moi dans cette extase!… Jusqu’à lécher l’assiette parce qu’il est inconcevable d’en laisser une goutte!… Je ris… La magie opère et nous partageons un bonheur total. Le bien-être nous envahit… Comme à la maison… Nous y sommes….
A partir de ce moment-là, la joie accompagnera chaque instant… et nous vivrons ensemble…
… la beauté d’un accord superbe entre cette réinterprétation « totalement givrée » du pan con tomate, et un Reisling d’antologie
… la magie d’un poivron confit aux graines de moutarde … sans poivron
… la pureté d’un produit, le petit pois, dont tout le goût originel s’est répandu dans un consommé aux œufs de poisson volant
… l’intensité d’une huître aussi goûteuse que charnue, accompagnée des agrumes du jardin
… la douceur d’un plat typique, le ajo blanco, qui rend ses lettres de noblesse à l’ail qui sait se faire doux sans besoin de le travestir
… le régressif de cet autre petit pois qui met en exergue les notes sucrées, réglissées et gourmandes de ce légume d’enfant
… l’hommage à l’un des plus beaux produits que la mer ait offert à l’Homme… La Gamba Roja de Dénia… Impératrice soumise qui se laisse croquer
… Entière, pochée dans son eau de mer
… En tempura
… En bisque
… En douceur, nue et allongée sur une gelée aux algues
… En force, travestie dans un bonbon puissant
… L’extrêmement marin d’un ragout d’algues parfumé en marée haute et accompagné de pommes de terre au safran et de toasts au gel de codium
– Codium –
… La tendresse irréelle d’un rouget moelleux et chirurgicalement désarêté, ce qui transforme sa dégustation en rêve… Eucalyptus et pois gourmands
… La fraîcheur enivrante d’une caïpirinha réinterprétée
… Le charme d’une tuile d’Or où le croustillant d’un maïs lyophilisé se mêle à un moelleux beurré relevé de sel de Washington fumé. Doucement sucré, ce bijou que nous dévorons du bout des doigts, comme des enfants, nous enchante en dévoilant une impression délicieuse de caramel breton…
… L’étourdissement devant autant de bonheur et de plaisir… A tel point que j’oublie d’immortaliser cette ex-betterave confite, accompagnée d’un jus de viande corsé… Désolée…
… La question existentielle à laquelle Quique apporte une réponse qui ne soufre aucune discussion possible… « Qui fut le premier? »…
… La béatitude devant ce trompe l’œil à l’exécution parfaite… « Mon » Os à moelle…
… La perfection d’un riz truffé venu nous rappeler qu’Il est l’un des maîtres du riz…
… L’amitié, celle qui existe entre cette maison et la famille Torreblanca, Pâtissier artiste de Père en Fils
… Une promenade dans les orangeraies d’ici
… L’impression de rentrer au cœur d’une noix de coco à peine tombée de son arbre.
Prolonger le moment… Passer au salon et s’enfoncer dans les larges sofas… Ne jamais partir… Songer à ce que nous venons de vivre… Se retourner sur ces heures passées et réaliser l’intense communion qu’elles ont été… Entre nous, nos hôtes, le lieu, les mets, le soleil, l’envie de savourer, le bien-être… Tout et tous…
Et sans poser la question, je sais que mes Témoins se sont immergés sans retenu dans le bonheur de découvrir une table sublime où l’on se sent comme à la maison.
Je n’ai donc pas rêvé. Tout cela existe bien… Je suis réveillée et savoure encore les souvenirs… Le Quique Dacosta restaurant va, lui s’endormir pour l’hiver. Quelques mois de repos bien mérité mais aussi de réflexion et création. Quelques mois où je laisserai volontairement mes doutes s’installer de nouveau et me forcer à prendre un Témoin par la main…
Didier, Quique, Todos… Para siempre…
D. et T., and A also…
It hasn’t been a dream
but I think it has been.
Thank you so much for joining me.
Can’t wait for the next one, here or there.
Toutes les photos sur facebook.
novembre 8, 2011 @ 9:32
Wow! Tes reportages me rappellent à chaque fois que je dois absolument revenir dans ce restaurant avant qu’il ne recoive sa troisième étoile! (et après) 🙂
Bises, Alex
novembre 8, 2011 @ 12:16
🙂
J’espère qu’il est déjà trop tard! Les étoiles espagnoles tombent le 24/11 alors, si ça se trouve, la troisième sera là pour la réouverture en 2012! Mais nous ne manquerons pas d’y aller de toute façon!!!! Bises