… Aime avoir 45 ans, pouvoir l’ouvrir et Pointe Noire par Alexandre Mazzia
Je suis en train de devenir une cliente hyper casse-noisettes. Je vous demande pardon. Je suis une enfant pourrie gâtée par la vie et par les rencontres culinaires. Ceci dit, ne vous y trompez pas : je suis aussi facilement déçue par un 3 Etoiles que ravie lors d’un déjeuner en toute simplicité.
Je suis aussi devenue incapable de fermer ma goule, sans doute le second effet kiss cool des 45 bougies.
L’avantage d’arriver à 45, en fait, il y en a 2 : Le 1er, c’est l’expérience ; quelque soit votre domaine de prédilection, à 45 ans, vous commencez à avoir de la bouteille. De plus, à 45 ans, en gastronomie, vous commencez à faire partie des anciens et en tant que telle, vous êtes écoutée (ce n’est pas le cas à l’académie française j’imagine 😉). Être écoutée est un pure délice et il est le 2ème bonus venant avec l’âge. Ainsi, j’aime mes 45 bougies. Mais vraiment!
Donc je vieillis et j’aime ça. Et, donc, je l’ouvre!
Je l’ouvre et exprime mon regret de ne pas manger plus vendéen au cœur du bocage dans cette belle auberge du Poupet : « Vous nous servez un fondant au chocolat; servez-nous un fondant au chocolat et à la fleur de sel de l’île d’Olonne? »… Même petite suggestion chez Molène qui me propose des sacristains délicieux en accompagnement apéritif de mon Gin To’… « Quid de Sacristains aux algues de Bretagne? »… Et à Pointe Noire?…
Pointe Noire est la version bistronomique d’AM servie à Aix-en-Provence. Comme j’y suis quelques jours pour profiter des copains, je ne manque pas de découvrir cette seconde adresse. Le restaurant est situé en centre-ville dans une rue piétonne, ce qui rend le chemin pour s’y rendre bien agréable. Je me suis amusée du contraste entre le restaurant tout noir et la ville si joliment colorée.
J’y ai mangé un menu entrée-plat-dessert vraiment très bon (à un prix imbattable). Mais surtout, ce qui m’a beaucoup plu fut d’y retrouver les marqueurs du style AM, les épices dont le piment chaleureux, ses souvenirs d’enfance africaine discrètement glissés ici et là, et la liberté de cuisiner ce qu’il veut. Le panais rôti au miel et son condiment gingembre/pâte de citron, le mostelle hyper tendre et riche de jus et accompagné d’une semoule aux petits pois et grenade, le pain de gène apaisant le feu d’un sorbet poivron et piment. Tout fût délicieux… Sauf que j’ai quand-même trouvé le moyen de profiter de mes 45 ans, et ai fait ma casse-noisettes auprès du responsable de salle : “Pourquoi toastez-vous le pain?” … silence… Puis la réponse : « parce que c’était fait comme ça avant… ».
Je comprends leur envie d’exhauster les arômes du pain et de remplir la salle de merveilleuses odeurs mais… quelle est la mission du pain au restaurant? Je veux dire : qu’elle est la mission noble du pain?… faire patienter le client affamé pendant une attente trop longue? Bof… Remplir l’estomac de féculent parce que les assiettes sont peu garnies? Peu noble… être une éponge pour pouvoir profiter jusqu’à la dernière lichette de cette belle sauce trop bonne qui reste dans l’assiette? Ah OUI!! Un super méga Grand OUI!!!!…. Bon, super, mais as-tu déjà tenté de saucer une assiette avec du pain grillé?… ça ne marche pas.
Alors j’ai fait tout ce que j’ai pu pour saucer ce jus sucré et parfumé laissé pour compte après la dégustation des panais. Imaginez le jus résiduel après un “Panais rôti au miel / condiment gingembre et citron (un pralin) / câpres – noisettes – thym – suprême de citron”. Ce jus est de l’ordre du caramel de légumes relevé et acidulé. Une petite merveille ! … que le pain toasté refuse d’absorber… Craquer. Passer son doigt sur l’assiette puis finalement porter celle-ci jusqu’à sa langue. Parce que, quand c’est vraiment vraiment vraiment bon, soit le pain est tendre, soit je mets les règles de bienséance en sourdine 😉
Tout ça pour vous dire que la 2ème adresse d’Alexandre Mazzia, désormais installé à Marseille et à Aix, est une adresse où les assiettes sont si bonnes qu’aucune d’elles ne saurait repartir en cuisine avant d’avoir été parfaitement nettoyée par notre gourmandise.
Et vous dire à vous et à eux à qui je casse les noisettes : si, du haut de mes délicieux 45 ans, je me permets de l’ouvrir, c’est avant tout parce que je vous aime. Croyez-moi, si je ne dis rien, et si je repars sans avoir lavé les assiettes du pain tendre ou de ma langue, c’est que la rencontre n’a pas eu lieu.
Le duo de choc :
Gauche : Dorian / Droite : Vinc’
Et au milieu, Julien qui a été formé chez Alex et qui a porté Pointe Noire
quelques mois avant de prendre une autre route.
Pointe Noire – Aix-en-Provence
Toutes les photos de ce déjeuner dans l’univers bistronomique d’Alexandre Mazzia sur Facebook