… Aime Picasso, ou Dali, dans l’assiette – Quique Dacosta. For ever.
Il y a quelques temps, une amie m’a demandé : « quelle différence y a-t-il entre la cuisine de Quique Dacosta et celle des autres ?« . Spontanément, je lui ai répondu : « Quique fait du Picasso quand les autres font du Monet. » J’aime Picasso et Monet. J’aime Caillebotte et Dali. J’aime le figuratif et ses belles représentations du réel. J’aime l’abstrait qui titille, taquine, interpelle, ou se contente d’être beau. Il n’y a pas de mieux et de moins bien. Il y a l’art, un point c’est tout. Mais il est certain que Quique a un style unique. Une créativité rarement rencontrée ailleurs. Ce qui me marque chez lui, c’est cette dualité encore plus rarement rencontrée : Il réinvente constamment les visuels et nous emmène bien au delà de ce que nous avons déjà vu en cuisine, tout en restant fidèle aux goûts et même en les ramenant à leur définition – et beauté – primaire. En leur rendant hommage.
Comme cette petite enveloppe croustillante et chevelue baptisée « pesto ».
Bien entendu ce n’est pas un pesto. Mais quand vous croquez, et que tout se mélange, alors votre esprit sait lire les notes gustatives et recomposer le pesto instantanément. En même temps, vous avez conscience que si ce mini-met était réellement un « simple » pesto, alors il serait le meilleur que vous avez goûté de votre vie, car le basilic a goût de basilic, le parmesan est bien doucement présent. Le tout est finement acidulé… Et rendu on-ne-peut-plus gourmand par le croustillant de l’enveloppe. Dacosta, c’est un peu cela. C’est vous emmener loin de votre quotidien, dans son univers à lui, tout en s’assurant de ne pas vous perdre dans des plats trop tordus, trop intenses, trop… et trop…
Et Dacosta c’est beaucoup d’autres choses encore. Créativité aux multiples facettes. Entre autres, il est toujours amusant de découvrir ses « mimes ». Ses créations qui ne sont pas ce qu’elles sont, mais l’imite à la perfection visuellement et pour finalement en avoir le goût dans une version travaillée, équilibrée. Parfaite.
Comme cette olive verte. Vous pensez que c’est une olive. Et vous pensez vraiment que c’est le noyau – ll en a tellement l’aspect, c’est bluffant. Et bien non, ce n’est pas une olive verte. Et évidemment pas son noyau. Vous le savez. Mais vous ne savez pas si cela va être croustillant ou moelleux. Un peu ferme ou extrêmement fondant. Vous ne savez pas non plus où se trouve le goût de l’olive ni comment elle va vous surprendre… Vous plongez. Et vous vous laissez immerger. Comme vous savez qu’il y a un « jeu » alors vous vous recentrer sur ce qui se passe en bouche. Vous la chercher cette olive. Et d’un coup, hop, elle est là. Elle est cachée derrière le pailleté glacé d’un granité d’olive verte, granité que vous n’aviez pas deviné. Elle est aussi dans sa version noire dans le noyau à la texture crémeuse. Pour finir, elle se fait toute douce et discrète derrière l’anchois qui l’accompagne dans le voile de gel qui lie et rehausse l’ensemble. Sublime. Tout est sublime. Le visuel trompeur et joueur. Les goûts. Les élément en eux-même et l’ensemble qu’ils composent… Le moment que vous venez de vivre.
Et depuis la naissance de la Rose, je trouve chez Quique des créations qui me ramènent aux dessins enfantins et au texte profond de Saint-Exupéry racontant le Petit Prince. Quelques traits de crayon. Des couleurs puissantes mais pas trop envahissantes. Et nait un dessin à l’intitulé qu’un gourmand-nouveau-né comprend mais dont seul un esprit culinairement mûr peut entendre la complexité et la technicité.
Comme cette bouchée. Elle s’appelle « lamelles de loup ». Trait de poisson ponctué de rouge et de vert. Posé sur une cuillère de conte de fée. « A manger en une seule fois » précise Didier. C’est simple. C’est enfantin. En même temps, vous savez que quelque chose de plus que l’énoncé va se produire. Didier vous a prévenu. Vous gobez… Les lamelles de loup s’ouvrent et laissent s’échapper une eau de ceviche. Marine, pimentée, acidulée, coriandrisée,… Tous les goûts que votre culture vous a inculqués sur le ceviche sont là. Dans une eau limpide et lisible, enfermée par je-ne-sais-quelle magie entre quelques fines tranchettes de poisson. L’enfant se régale. L’adulte se questionne. Vous êtes heureux comme en lisant et re-lisant le Petit Prince.
Et comme si ce voyage dans l’univers de l’Artiste n’était pas suffisant à vous rendre heureux, il s’est entouré d’autres artistes pour vous emmener encore plus loin. Dont celui qui sait. Didier. Quand il vous accueille avec son sourire malicieux et ses yeux pétillants, il sait que vous allez vous prendre la superbe claque. Quand il vous installe dans le salon de thé pour une première coupe de bulles, il sait que, dès les amuse-bouche, vous allez être emporté par la vague. Il sait aussi, mieux que personne vous présenter les oeuvres de Quique (Et Juanfra, il serait injuste de ne pas le nommer) avec une finesse et un humour qui donnera encore une autre dimension à votre plaisir… Et quand il vous prépare avec un Gin Tonic rafraîchissant, il sait que ce cocktail va vous garder encore un long moment perché sur le moment unique que vous venez de vivre.
A Quique.
A Juanfra.A Capo.
A Didier.
A José.
A Giovanni.
A tous.
Quique Dacosta
Toutes les photos de ce déjeuner au musée de l’art moderne culinaire espagnol sur Facebook.
26 septembre 2014 @ 9:14
Le petit chimiste de Dénia.
Je pensais naïvement qu’on avait dépassé toutes les errances et complaisances chimico-industrielles de Roses.