… Aime quand le sensé rencontre le succès – Côté Marais, restaurant par Manon et Thomas
Quand j’ai quitté Manon et Thomas après avoir passé le service du midi à leurs côtés au coin du passe, je me suis dit “C’est incroyable, ils sont tout jeunes dans la profession et ont déjà tout compris”…
C’est en Juin 2019 que l’établissement Côté Marais ouvre ses portes à Beauvoir-sur-mer (4000 habitants). Manon et Thomas ont alors 24 ans. Quelques mois après, le COVID met la France à l’arrêt et perturbe l’activité de tout le secteur de la restauration. Mais le jeune couple ne lâche rien. Ils décident de poursuivre leur activité en proposant une gamme à emporter, afin de ne pas abuser des aides de l’état et de garder toute l’équipe en action. Aujourd’hui, 3 ans après, le restaurant compte 8 salariés, dont un poste de jardinier pour le potager, et il est fortement conseillé de réserver sa table à l’avance, le lieu affichant souvent “complet”.
Ce que Manon et Thomas ont compris? Qu’une des clés d’un restaurant à succès est le locavorisme en circuit-court. C’est autour de cet engagement qu’ils ont développé leur établissement.
En salle, des portraits de producteurs et photos de produits réalisées par Jessica Morgane.
Quand vous entrez dans la salle du restaurant, votre regard est attiré par une exposition photographique. Aux murs, sont accrochés de très beaux portraits des principaux producteurs avec lesquels Manon et Thomas travaillent en étroite collaboration. Christian le glaneur, Serge le maraicher, ou encore Frédéric et Lucie les éleveurs de vaches maraichines… Evidemment, ces photos ont été réalisées par une photographe située dans le même village que le restaurant, car le locavorisme ne concerne pas que les fournisseurs de produits. Il concerne toute la vie du restaurant.
Ainsi, lorsque je demande à Thomas sa position par rapport aux guides gastronomiques, il m’explique qu’il serait heureux de recevoir le bib gourmand, parce qu’une récompense ferait plaisir à l’équipe. Mais ils ne se battront pas, et ne formateront par leur cuisine et leur service pour chercher une Etoile ou une bonne note au Gault & Millau. Ils veulent être et rester une restaurant libre, accessible (*) et … local. Car, oui, être un restaurant locavore consiste aussi à se construire une clientèle de proximité. Je dois dire que je n’ai jamais entendu un discours aussi sensé dans la bouche de jeunes restaurateurs.
Avoir une clientèle fidèle et de proximité est en soi une démarche écologique forte. En effet, une des parts les plus importantes d’émission de CO2 d’un restaurant est liée au déplacement de ses clients. Un restaurant triplement étoilé et exemplaire dans sa démarche écoresponsable verrait sa “facture carbone” extrêmement plombée par les émissions de CO2 de sa clientèle qui viendrait du bout du monde en avion.
De plus, avoir une clientèle locale rend un restaurant beaucoup plus résilient. D’une part, cette clientèle ne se réduira pas à néant en cas de crise majeure. D’autre part, elle peut être d’une grande aide en cas de besoin. Cet avantage, notre jeune couple l’a apprécié maintes fois et particulièrement quand ils ont pu se porter acquéreur de la maison adjacente au restaurant tout simplement parce que son propriétaire est vite devenu un bon client puis un bon ami.
Cette démarche locavore mise en oeuvre du côté des fournisseurs comme des clients va de paire avec beaucoup de bienveillance à l’égard de tous. Cela fait aussi partie des basiques que Manon et Thomas ont compris, que ce soit dans les conditions de travail de leurs employé.e.s ou dans le temps accordé à chacun.e.
Locavorisme, bienveillance, mais encore? Un joli potager ! Au début, il était une serre et quelques plantations autour du restaurant. Mais grâce à l’achat de la maison mitoyenne, c’est aujourd’hui un potager conséquent qui alimente le restaurant et qui permet de créer un emploi dédié. Comme les agrumes ont une place importante dans la cuisine de Thomas, et Julien, frère et chef pâtissier, alors ils ont investi dans cette famille de fruitiers. Je vous avoue avoir souri en voyant pour la première fois une main de bouddha sous le ciel vendéen! (NDLR : bien entendu, nous préférerions que cela ne soit pas possible grâce au changement climatique…).
J’aurais pu aussi parler du respect des saisons, d’une cuisine à base de produits majoritairement bio, de la réduction des déchets, des poissons issus de pêche de ligne… J’aurais pu parler de nombreux autres engagements pris par ce joli restaurant. Ce billet en deviendrait bien long !
Mais avant de clôturer ce dernier, je partage avec vous ce qu’il y a de plus beau dans tout cela. Manon et Thomas ont tout compris sans avoir dû faire un effort de réflexion insensé. Ils n’ont pas eu à cogiter des mois avant de définir leur stratégie de communication, ni faire appel à une agence de conseil pour savoir comment mener à bien leur belle affaire. Cette façon de cuisiner, cette façon de recevoir, et cette façon de gérer son empreinte écologique leur sont naturelles. Je ne dis pas que ça leur est facile, loin de là ! Mais ils font les choses ainsi parce qu’elles ne peuvent pas être faites autrement. Ils ont cela en eux et leur établissement est à leur image, un établissement plébiscité par les vendéens et déjà devenu un incontournable de la route gastronomique des vacances.
NDLR : Je n’ai pas parlé de la qualité des assiettes. Mais vous me connaissez, si le Côté Marais n’était pas un restaurant validé par mes papilles, je n’en aurais pas parlé !
(*) Malgré leur succès, Manon et Thomas ont fait le choix de garder un menu ouvrier “entrée-plat-dessert” à 18 euros (en semaine, le midi uniquement). Au menu ouvrier le jour de ma visite, les convives pouvaient déguster en plat un porc confit façon porc au caramel / poêlée des bons légumes de Serge / sarrasin / jus et pousse (photo ci-dessus).
En entrée et dessert de ce même menu, pour commencer : petits pois / moules / vinaigrette au chorizo / glace aux herbes / gaspacho de petits pois. Et pour finir : fraises / chocolat / noisettes torréfiées
Les autres menus sont à 27 euros (entrée-plat ou plat-dessert) et 36 euros (entrée-plat-dessert). En exemple de plat, ci-dessus une belle composition autour du homard : ravioles de queue de homard du port du Vieil et blettes du potager / cromesqui des pinces de homard / bisque des carcasses / cerises en pickles et bleuets du jardin