… Aime se prendre le Vert Mont en pleine figure ! – Florent Ladeyn, au top.
S’il m’a fallu 7 ans pour écrire sur le MercatBar, il m’en aura fallu 5 pour aller chez Florent ! En effet, je connais ce Grand P’tit gars du Nord depuis pas mal d’années. Les hasards des réseaux sociaux font que nous devenons amis virtuels, puis réels. Je le suis assidument sur l’écran quand il participe à Top Chef en 2013. Je le croise sur les salons, sur scène, où il emporte l’adhésion des foules. Je goûte superficiellement sa cuisine à quelques événements… Mais, sans réelle excuse, je n’y vais pas… Alors je me suis auto-engueulée il y a quelques jours et, curieusement, le chemin de retour de l’Air du Temps est passé par Boeschepe.
C’est toujours avec un peu d’angoisse que je me rends pour la première fois chez un Chef que j’aime déjà… Et si ça ne me plaisait pas. Je veux dire par là que, bien entendu je sais que je vais passer un bon moment… Mais si c’est juste un bon moment, je serai déçue… Parce que je veux écrire. Et parce que je veux vraiment que Florent soit parmi les Chefs de mon top Français.
Quand j’étais consultante (ma première vie…), l’entreprise pour laquelle je me tuais à la tache, nous formatait à grands coups de « Exceed your client’s expectations« . Tout le temps, partout, en séminaire, en team building, en semaine d’intégration, en formation, « Exceed your client’s expectations » (on ne s’en défait jamais vraiment)… C’est clairement ce que Florent a fait, il a dépassé mes attentes. MAIS TELLEMENT! Et pourtant, croyez-moi, elles volaient très haut au dessus de notre atmosphère!
Pour commencer, à mon arrivée, j’ai été scotchée.
Je ne sais pas pourquoi mais je pensais que l’auberge du Vert Mont était comme un ancien routier posé au bord d’une nationale dans un village… Mon GPS me mène au milieu de nulle part. J’aime ce nulle part. Quand vous arrivez, vous voyez d’abord un grand parking et, plus haut, deux grands bâtiments rouges. Là, j’avoue que je l’ai eue la sensation d’arriver dans le routier parce que c’est vrai que le parking est un aplat de graviers couvert de voitures. Pas un arbre, et aucun signe annonciateur de ce que je vais découvrir ensuite. Vous remontez le chemin. Vous passez la porte en verre et avancez de quelques pas… Première petite claquounette!
La salle du restaurant est superbe. D’ailleurs, ce n’est pas une salle de restaurant, c’est la salle à manger de Florent. La décoration, l’agencement de la salle, l’ambiance hyper détendue et familiale (ici on aime les enfants) ont fait que j’ai bien failli aller taper la bisette à tous les convives qui entouraient la grande table centrale en disant « Salut Tatie! Ca va? … Et toi cousin Pierre, en forme?« … Je blague bien entendu, mais c’est réellement ce que j’ai ressenti en entrant. Croyez-moi, c’est fort et assez unique pour un Etoilé Michelin.
S’avance vers moi Thomas qui m’aborde par une douce invitation à aller prendre l’apéritif dans le jardin… C’est là que j’ai pris la grosse claque… Je me suis même pris le nom du restaurant, le Vert Mont, en pleine figure.
Une prairie d’herbes à peine tondues, quelques arbres servant de parasoles à des tables de jardin en bois; posé contre un des arbres, un vieux vélo rouillé, et, plus loin, des enfants qui font des bulles (ça, je ne peux pas garantir que vous l’aurez aussi quand vous irez…). C’est magnifique. Je reste sans voix tandis qu’une immense sérénité m’envahit.
Ensuite, il y a eu le repas, aussi sublime que le lieu.
Thomas m’a installée à une table, bien en face du jardin, qui m’a apporté une superbe lumière pour les photos… Il dépose à ma droite une boîte en métal. Dedans, les couverts. Je les compte pour avoir un indice sur le dégustation qui m’attend. Sept, je suis ravie… Vient ensuite le beurre enrobé de malt, et le pain maison dont l’aspect hyper croûté et la mie alvéolée et couleur céréales me font me sentir en danger 😉 … Tout d’abord, un mikado d’asperges blanches plantées dans un jaune crémeux et vinaigré, supporte le parfum du sureau frais. Vient ensuite un florilège de goûts autour du navet, crû, cuit, lactofermenté, et en huile qui assaisonne. Pour continuer dans ce repas hommage à la beauté du végétal en total cohérence avec la vue que j’embrasse, Florent me sert ce qui sera mon hit…
Feuille à feuille de chou rave, tourteau, sauge frite… sans tourteau!! Enfin si, mais pas vraiment… Le produit noble est le légume. Traité à la perfection, tendrement et délicatement pour apporter en bouche une beauté amère et la rusticité du produit. Le tourteau, lui, n’est présent qu’en goût dans la sauce beurrée, moelleuse, ronde. Ce terre-mer aux abords simples est un plat de géant, justement équilibré par le goût printanier de la sauge… Sauge magnifiée par la bière proposée en accord, la Cuvée Saint-Gilloise de la brasserie Cantillon.
Pour finir, ce qui me rendit parfaitement extrêmement heureuse, fut l’échange qui suivit avec Florent.
Je ne connaissais pas son histoire, celle d’un jeune Chef qui a repris l’affaire parentale en plein déclin, avec le défi de la remettre sur pieds en une année. Défi relevé, pari gagné, dépassé. Respect… Non sans y ajouter la sublime philosophie de ne cuisiner que des produits locaux « Ici, il n’y a que le sel et le café qui ne sont pas de la région… Et encore, pour le café, on va bientôt y arriver » (Rappelons que le Nord est le pays de la chicorée)… Mais le plus sublime vient quand je demande à Florent, les yeux dans les yeux « Es-tu heureux?« . Là aussi les attentes sont dépassées, pour lui (et pour moi par ricochets). Non seulement l’affaire tourne sans problème mais en plus, il la vit avec une sérénité totale, une liberté insolente et un bonheur qui illumine ses yeux. Il a trouvé les proches qui l’accompagnent dans cette aventure et il s’épanouit à leurs côtés, au Vert Mont mais aussi au Bloempot (Brasserie de Florent à Lille). Son équipe a adhéré et est imprégnée de sa personnalité. Il aime follement son lieu et son environnement. La clientèle et le succès sont au rendez-vous. Même le guide rouge a remarqué ce qui se passe dans ce nulle part, venant déposer sur le bonheur de Florent, une Etoile, comme on déposerait une cerise sur un énorme gâteau.
En conclusion, je serai honnête : l’auberge du Vert Mont n’est-pas un restaurant de haute gastronomie… L’assiette l’est dans le nombre d’heures octroyées à la travailler, dans la qualité des produits, dans l’équilibre, dans l’honnêteté, et dans le goût bien entendu. Le service, est de celui des grandes maisons, autant dans la recherche des arts de la table que dans celle des boissons qui accompagnent. Il l’est aussi dans la gentillesse, la justesse et la bienveillance. La déco? Elle cache bien son jeu. Pas de bling bling ni de clinquant, mais les nappes blanches font bien de rester au placard, car il serait dommage de recouvrir les tables en bois massif et noble. Quant aux grandes baies vitrées enchâssées dans les murs de brique, elles sont probablement le fruit d’une concertation avec un architecte… Florent a su piocher dans les codes des guides prestigieux ce qui lui fallait pour hisser le Vert Mont dans la liste des eat-spots français (voir Européens). Mais il a aussi su laisser de côté ce qui serait encombrant, lourd, contraignant, stressant, ce qui pourrait rendre le convive maladroit ou inconfortable au profit d’une maison qu’il veut inspirée des estaminets du Nord, ouverte à tous et chaleureuse.
Auberge du Vert Mont – Florent Ladeyn
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