… Aime ne pas trouver de titre à ça… Quique Dacosta
… Je repartais vers mon hôtel avec une très précieuse invitation pour le soir... Et là, je savais que j’allais vivre des émotions alors j’en savourais déjà l’immense satisfaction… Vite, un détour par l’hôtel pour se rafraîchir et je profiterais des quelques heures de libres pour visiter la vieille ville. Dénia est une adorable petite bourgade de bord de mer. Des maisons de toutes les couleurs. Une petite forteresse pour les touristes en mal de vieilles pierres…
Moi, je marcherai le nez en l’air à regarder les jolies plaques de rues – que j’en ramènerais bien une à la maison. Ça ferait très bien dans ma cuisine non? ;-)….
D’un côté la mer. De l’autre la montagne… Le soleil plonge dans la Méditerranée et ce coucher majestueux orne la ville de couleurs ocres magnifiques…
Je marche et respire à pleins poumons… M’imprégner de ce moment unique… Les souvenirs d’un déjeuner d’exception. Une ambiance doucement chaude. La vue sur la mer. La rencontre avec deux personnes sublimes. Derrière moi, les montagnes « enflammées » par le soleil couchant. Devant moi, à nouveau un repas qui restera mémorable….. 21h. enfin l’heure d’y retourner…
Le « Bonjour Mme BITEAU » de ce midi était déjà très accueillant et chaleureux mais celui de ce soir, il vient de plus profond… Bonsoir Didier, bienheureuse de vous retrouver….. Je m’installe à une autre table. Cette fois, Didier m’a réservée la table qui permet de bien profiter du va-et-vient en salle et en cuisine… N’est-ce pas aussi la place où lui et Quique seront les plus à même de voir le spectacle d’une Stéphanie qui savoure?… 😉
Déjà, sur la table, m’attendent des tuiles de pain croustillantes… Partager le pain… Compagnon…
Puis, on me propose de choisir l’huile d’olive qui accompagnera mon repas… Entre végétale et très fruitée… Je choisis la fruitée…. Et pour la rehausser? Quelques gouttes de vinaigre de Jerez… L’huile d’olive est un élément fondamental de la culture espagnole… Je réalise que je n’ai pas souvent goûté de vraies et bonnes huiles comme celle-là…
Betterave peinte par Quique
Ce plat, je l’ai rencontré à Deauville. Je me souviens d’être restée émerveillée par la technique.
Comme pour la poire, la coque est une très fine couche de sorbet à la betterave. Le cœur, une fine mousse rose et goûteuse qui révèle les douceurs de ce légume dont le sucré le ferait presque basculer du côté du fruit… Dessous, le tourteaux et un petit « crumble de pain » rouge à la betterave. Chaque cuillère est comme la main de Maman qui vous caresse la joue avec tendresse…. Ça y est… Je m’envole…
Cubalibre
Cette création, c’est Jean-Michel qui m’a dit qu’il fallait absolument la goûter… C’est d’ailleurs uniquement pour suivre « cet ordre » que je suis revenue ;-)…. Didier m’explique qu’il leur est juste impossible de la retirer de la carte. A chaque fois, les clients font signer des pétitions dans toute l’Espagne pour qu’elle revienne! Et bien? A ce point-là?……. Et il conseille de prendre un peu de ce granité citron à chaque cuillerée… Plongée de la cuillère…. La fine couche de gelée ambrée laisse apparaître une mousse rosée… Foie gras…. Papilles….. Comment dire….. A contre-coeur, je parlerai de « crème comme une crème brûlée » au foie gras. Sauf que c’est tellement réducteur… Je retrouve les plaisirs de la crème façon brûlée mais en tellement tellement mieux. Ici tout le goût du foie gras, … sans le côté gras…. Et la fine couche de gelée parfumée Coca …cuba libre… qui vient juste donner une pointe sucrée… Et ce granité citron…. C’est le Ché en personne qui vient faire sa révolte dans les papilles ! Il prend la crème, la secoue, la rafraîchit, l’amplifie, s’y oppose pour mieux nous la servir!…. C’est où que je signe la pétition?…. Une pétition pour que cette création soit importée à Paris?….
Brumes
Oh Seigneur Jésus Marie Joseph, et tous les saints, et les apôtres, et les autres aussi, Mohammed, Allah, … Tous! Ils sont tous là! Ils volent au dessus de moi en me chuchotant « Toi ma Grande! Tu n’es pas prête d’oublier ce dîner! »……
Après m’avoir laissée profiter de la vision de cette scène en silence, Didier m’explique « Ici, Quique a voulu te raconter son enfance… Quand il était petit, pour aller attraper le bus scolaire, il devait traverser les collines très tôt le matin…. Il en a gardé des odeurs et des sensations qu’il t’offre maintenant »… Brumes… Je repars à peine quelques jours en arrière alors que je me promenais sur les collines du Vivarais et du Velay en attendant la rencontre avec Régis et Jacques… Brumes… je dévore cette création… Sous la brume, les fleurs, les pousses, les saveurs, la mousse, les odeurs de pin, la « gelée du matin »…. Je pense à mon Père traversant les Pyrénées à l’aube lors de sa marche vers Saint-Jacques… Je pense à ma Vendée natale dont le mont des Alouettes vous offre ces mêmes sensations… Je pense …. Je vis… Je vole encore…
Didier me laisse profiter de ce plat… Il me laisse le savourer encore un peu même quand il n’y en a plus… Didier, il sait exactement quel rythme donner au défilé des sensations… Parfois, enchaîner pour garder le rythme. D’autres fois, vous laisser le temps de revenir à la réalité pour être prêt pour la suite… C’est ça aussi l’extrême savoir-faire de ce maître de salle…
Quand il pose l’assiette suivante devant moi, clochée, il me dit « Vous savez maintenant que j’ai travaillé dans de nombreuses très grandes maisons et que j’ai eu la chance de goûter de nombreuses et très belles assiettes. Mais celle-là, c’est celle qui m’a le plus bouleversé. Elle m’a pris et m’a projeté en plein coeur d’une grande forêt humide dès la première bouchée….. »…. Mouaih, ok… Tu n’en fais pas un peu trop là?……..
« Bosquet »…….. Didier soulève la cloche……. Ah ouaih…. Ahou………Ah ….. ah non, là, on ne dit rien. On reste devant ce tableau magnifique sans voix……………………………… Et quand les yeux se sont enfin habitués à la beauté de cette composition, le cerveau gauche réussit à reprendre le dessus et dit à la main qu’elle peut envisager ce mouvement qui permet de manger….. Je prends soin de traverser la terre de cette forêt jusqu’au plus profond pour être certaine que la fourchette emporte un peu de toutes les strates…. Papilles…….. Les yeux se ferment. Le délice éclate en bouche et diffuse ses arômes et ses saveurs…. La forêt s’exprime dans sa majesté et ses richesses…. Je suis au coeur de la forêt du Morvan par une matinée d’Octobre. Cette nuit, il a plu mais là, il fait doux et frais…. Mes yeux avancent sur la terre en quête de cèpes, girolles, morilles….
L’odeur des feuilles mouillées et du humus… Les mousses sur les arbres… Je trouve des champignons merveilleux … et j’entends la voix de Régis qui me dit « Regarde ces cèpes comme ils sont beaux ! ».…. Je marche en forêt avec Régis et nous imaginons ce que nous allons cuisiner ce midi avec notre trésor………… Là-haut, aux Cimes, Christophe nous attend avec des beignets au chocolat et son cake aux épices….. La brioche est au four et elle recevra la pâte à tartiner aux cèpes….. Nous nous réchaufferons avec un café chaud…. Cacao et moka…. Tiens un trèfle à Quatre feuilles…. Porte-bonheur…. Celui d’être là…. Ce Chef de cuisine a été touché par la main de Dieu pour savoir transmettre tout cela dans ses plats…. Peut-on encore parler de plat………
Gambas rouge
Après la forêt dans sa complexité des matins d’Automne, une Princesse de la mer dans son plus simple appareil….. La gambas rouge de Dénia… Cuite en douce température dans l’eau de mer… C’était si simple… Juste une gambas cuite avec tendresse dans son environnement naturel. Et déposée comme un cadeau sur un plateau noir. Quel contraste avec la forêt. Quelle complémentarité et quelle poésie… Cette simplicité me permet de reprendre pied dans la réalité. Mes mains attrapent la coquine. Point de couteau ni de fourchette. Le rince-doigt déposé à côté de l’assiette me fait un clin d’oeil et me dit « Vas-y ! Ce n’est pas parce qu’il y a 2 étoiles ici – Quique et Didier 😉 – qu’on ne peut y mettre les doigts »…. Et maintenant que je sais que tout se mange…….. Iode…… Croustillant…. Les embruns….. Atlantique de mon enfance…… Je marche les pieds dans l’eau en poussant l’épuisette……. Dès mon retour à la maison, ces petites crevettes grises seront cuites… J’en chiperai quelques unes que je croquerai de la tête à la queue avant qu’elles ne finissent dans le bol du robot de Maman qui les transforme en un beurre fort et parfumé… Mes yeux regarde le robot tourner tandis que les crevettes chapardées s’écrasent entre mes dents et amusent mes papilles….. Je ris……
Poule aux œufs d’or
Deux œufs pochés à 45°C… Servi dans un bouillon de poulet aux cèpes… Or de cette poule en différentes textures……. Mille pardons Didier. Je cale… Ou plutôt, je me connais et ces 2 œufs pourraient être fatales à mon appétit et me couper le plaisir d’un éventuel dessert…… Il va y avoir un dessert n’est-ce pas?…….. Au fait Didier, parle-moi un peu de la forêt. J’y ai trouvé du cacao et du café. Y en avait-il?……. Pas du tout!……….. Association de saveurs pour association d’idées……. Pour composer le bosquet, il y une crème-beurre au parmesan, puis une gelée aux 4 fonds (canard, queue de bœuf, légumes et … Zut, j’ai oublié :(….), 2 sables à la Quique (thym et champignons), des petits champignons, des pousses, des graines, des fleurs, des croustillants aussi…….. Je mesure alors à quel point Quique est un être à part. Quel don possède-t-il pour être capable de s’imprégner d’une atmosphère de forêt puis de la traduire en une alchimie de dizaines d’éléments qui vont transmettre à ses hôtes ses propres et belles sensations…
Didier me demande si je veux encore découvrir quelques pièces maîtresses de la collection de Quique…. Il a envisagé un poisson puis 3 desserts……. La poule aux œufs d’or inachevée l’inquiète…. Ne vous inquiétez pas. J’ai de la place pour une petit poisson grandement travaillé et tout le sucré que vous voudrez……. Je n’ai pas du tout envie de stopper là le plaisir…… Ne pas rompre le charme…..
Safran
Et là encore, une telle poésie……. Sur un voile translucide de gelée au fumet de rougets. Le roi des rougets. Cardinal fish… de l’agrume… Ecume… Finesse d’un croustillant comme des éclats de verre sur le poisson délicieux… Tagliatelles d’un légume que je n’identifierai pas…. Et je ne demanderai pas car là encore, geyser d’émotions qui font qu’on ne se demande plus si c’est bien cuit ou équilibré, ni même ce que c’est. Peu importe…… On mange de l’émotion. On mange le beau…. On mange de l’Amour…. Et on joue à grignoter le voile de gelée centimètre carré par centimètre carré car, en dessous de l’assiette se cache la source d’inspiration de l’Artiste… Un autre artiste….
« Azafran » de Mark Rothko
Monochrome de coco
Magnifique écrin naturel de la noix… Et là encore, l’envolée d’émotions…. Une pâte savoureuse de coco… Coco en crème… De la glace comme fraîchement sortie de la sorbetière rustique de là-bas… Des petits dés de coco et ces cheveux de coco…. Toute la coco en 5 textures et 5 recettes….
C’est blanc comme la pureté du goût de la noix de coco qui ressort de chaque élément….
Aussi indispensables et indissociables que les cinq éléments qui composent la vie….
TERRE de Guadeloupe, Pointe des châteaux…
Karukera, l’île aux belles EAUx
METAL de la machette qui libère le lait de coco…
FEU du soleil qui me brûle la peau….
BOIS de la noix et sorbet coco…
Didier m’apporte un verre…. « Respirez….. C’est votre dessert »…. Inspiration….. Cerise cherry chérie…..
Cerisier en fleurs
Sous un sable cerise et glacé, des éclats de cerises confites…. fraîcheur de la verveine enfermée dans son cube gélifié… et sous cette beauté, en contraste avec la force de la cerise maderisée, une petite poche de yaourt au lait de brebis maison…… Sous le cerisier, il y a Maman qui nous prépare son clafoutis…. Maman et son incontournable petite boite de cerises Mon Chéri au pied du sapin de Noël…. Et dans le yaourt au lait de brebis, il y a ma Vendée natale et Papa qui…. Didier ?!?! Le yaourt au lait de brebis ne serait-il pas un caillé plutôt?…. Parce que Papa, il n’est pas dans le yaourt, il est dans les caillebottes vendéennes gorgées de fraîcheur, caillebotte qu’il rompt et agrémente de sucre avant de nous la servir avec du café à l’ombre des tilleuls de la maison… Je vous le dis, Quique a incroyablement vécu ma vie……
Orange givrée
Ecume glacée.
Gelée safranée.
Yaourt « emmoussé ».
Orange en suprêmes et croquants savoureux non identifiés.
Fraîcheur en petite gelée.
Eau de rose et de fleur d’oranger.
Hallucinant… Orgasmique à pleurer….
Parce que c’est à 1490 kms de la maison et demain il faut rentrer.
« Silencio : En la mayoria de los momentos en los que algo requiere un tiempo de o para la concentracion, nos rodea el silencio mas concreto.
Un silencio que nos pueda transportar mas alla de las palabras, del espacio en el que estamos.
Un silencio de susurros y de complicidad hacia el conjunto de lo que habitamos. Un momento de concentracion para atmosfera limpia de ruidos que tensionan, para una mayor comprension y analisis. »
Quique Dacosta.
Débo
30 mai 2010 @ 9:32 am
Il y a des journées dont on doit mettre un peu de temps pour se remettre
ptipois
30 mai 2010 @ 9:32 am
vous devez être quelqu’un d’exceptionnelle pour avoir le droit de tutoyer le bonheur et l’extase de si prèt!
Votre prose reflète presque la réalité, j’ai cru à un moment donné que j’étais également là bas….
Bienvenue sur terre!
Gamelle
30 mai 2010 @ 9:32 am
Décompression! garde bien un temps pour passer dans le sas, sinon, nous aurons tous du mal à nous en remettre!
tu décris cette extase avec une telle réalité que ton bonheur devient nôtre …
birgit
30 mai 2010 @ 9:32 am
J’ai passé toutes mes vacances d’enfance à Moraira, un village proche de Denia et quand on allait à Denia c’était pour les crevettes, les meilleures du monde selon mon père. Que de souvenirs ! Ce côté printanier je le connais moins et cette richesse culinaire aussi. A retenir si mes pas me ramène vers Moraira
Annie Madeira
30 mai 2010 @ 9:32 am
Hola…you were invited right? So you wrote a friendly review…