… Aime quand les Chefs pensent aux autres – Massimo Bottura, Christophe Aribert – El Refettorio
Admettons-le, le métier de chef de cuisine est un métier futile et la haute gastronomie … ne sert à rien. Je le vois d’ici le Chef qui trime des heures derrière ses fourneaux, faire des bonds dans sa cuisine en lisant ces mots. Mais honnêtement, à quoi cela sert-il ? A donner à manger à des personnes aisées qui aiment être traitées comme des princes et des princesses le temps d’un repas. Cruellement, je dirais qu’il sert au pur et unique plaisir d’une clientèle de nantis.
Bien entendu, il y a chef et chef. Il serait juste d’avoir une immense admiration pour les Chefs de collectivité qui se doivent de nourrir des centaines de clients à des tarifs défiants toute concurrence et, parfois, en répondant à des règles de nutrition drastiques. Il serait également juste de tirer son chapeau au Chef du petit bistro d’à côté qui propose un menu à prix ratatiné pour celles et ceux qui n’ont ni cantine d’entreprise ni la possibilité de rentrer chez eux à l’heure du déjeuner.
Mais les Chefs de la haute gastronomie, qui s’offrent le luxe de cuisiner des produits au coût élevé, qui vous les servent dans une vaisselle plus-elle-est-rare, plus-on-la-veut, qui embauchent des sommeliers pour accompagner vos mets précieux, de vins aux prix « flambant vieux », souvent basés sur des fantasmes, à quoi servent-ils ?
Bien entendu, je ne pense pas ce que j’écris, et je taquine ce mini univers de frivolité en écrivant cela, baignant moi-même dans ce milieu qui se cherche un sens et se justifie dans la quête extrême de qualité. Qualité du produit. Qualité de la technique. Qualité du service. Qualité du décors. Qualité des liquides. Qualité de l’ambiance. Qualité des matières… Et comme le public se régale de ces héros du sert-à-rien – Joueurs de foot, chanteurs, acteurs… – Le chef de cuisine devient à son tour une super star monnayant ses apparitions et ses prestations.
C’est un peu pour cela que je me tourne de plus en plus vers les Chefs qui offrent un petit quelque chose en plus, que ce soit dans la mise en avant de producteurs locaux, dans leur implication dans le développement de l’écologie, ou dans l’attention qu’ils portent à leurs employés en les accompagnant dans leur épanouissement personnel.
C’est aussi pour cela que je remercie les stars, de cuisine ou de tout autre milieu, qui mettent leur notoriété au service de ceux qui en ont besoin. Pour n’en citer que quelques uns, j’évoquerai Quique Dacosta, ambassadeur d’Action contre la faim, Florent Ladeyn, fervent défenseur du consommer local, Thierry Marx utilisant la formation en cuisine pour permettre la réinsertion professionnelle, et, enfin, Massimo Bottura qui se bat pour la récupération d’invendus trop souvent destinés à la poubelle, afin de nourrir ceux qui ont faim.
Pour ce faire, Massimo Bottura et l’association Food for Soul, ont mis sur pieds des « refettorio », des réfectoires alimentés par des enseignes partenaires qui livrent les invendus, invendus cuisinés par 1 chef résident, éventuellement un chef invité et une équipe de petites mains tout aussi bénévoles, et servis à des personnes nécessiteuses via des associations. Je crois que le premier refettorio fut celui organisé dans le cadre des jeux olympiques. Depuis, d’autres, permanents, ont ouvert dans d’autres grandes villes dont, récemment Paris. Installée dans les recoins secrets de l’église de la Madeleine à Paris, cette cantine pleine de sens a déjà accueilli au poste de chef invité des grands noms tels que Pierre Troigros, Bertrand Grebaut ou Olivier Roellinger. Il a également eu la plaisir de compter parmi ses bénévoles, Marion Cotillard.
Et récemment :
Christophe Aribert
C’est grâce à Christophe Aribert que j’ai eu la chance de participer à l’un de ces dîners. Sachant mes connexions avec Massimo Bottura, il m’a demandé d’entrer en contact avec l’association afin de lui organiser une soirée dans les cuisines du Reffetorio de Paris. Ni une ni deux, à peine le temps pour lui de réserver son TGV et hop, nous voilà à réaliser un menu improvisé à partir de ce que la « récolte » du jour a apporté. Pintade, artichaut, pommes de terre, saumon fumé… Quelques épices offertes par de bonnes âmes et le minimum vital en épicerie.
Lui comme moi avons adoré cette soirée. Quand vous arrivez, vous êtes amusés par l’environnement. Il est assez unique de cuisiner dans les recoins d’une immense église. Puis vous rencontrez Cristiana, organisatrice de cette grande messe culinaire, et Maxime – adorable Maxime -, Chef permanent de ce restaurant étonnant. A ses côtés, pour un soir, il y a Pascale, Régine, Marie, Cécile… Plus ou moins amateurs/amatrices de cuisine, ils et elles viennent mettre la main à l’épluchage, à la préparation puis à l’envoi d’un menu en 3 temps. Il y a aussi Justine, charmante pâtissière voulant donner un sens à son métier et répétant les interventions au Refettorio. En arrivant, peu se connaissent. Mais en repartant, nous sommes tous soudés, emportés par la beauté, par la générosité, par le sens concret et palpable de nos quelques heures passées ensemble.
Christophe est au sein de cette drôle d’équipée, comme un poisson dans l’eau. A son habitude, motivé et motivant, il nous explique ses recettes, partage ses astuces, nous tend la cuillère pour que nous goûtions, sans oublier de demander à Maxime de monter le son, parce que la générosité en musique, c’est bien aussi.
Comme vous vous demandez ce que nous avons bien pu cuisinier pour nos 60 hôtes…
Velouté de pommes de terre à la noix de muscade, saumon fumé et chips maison
Pintade rôtie, purée d’artichaut/chips d’artichaut, crémeux de volaille, oignon et gingembre
Poire pochée, brunoise de fruits, crème montée à l’orange et crumble de céréales
Magic people !
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