… Aime la (re)naissance d’AM, Alexandre Mazzia par Alexandre Mazzia
Il est né. Après de longs mois passés dans le Ventre de l’architecte et une délivrance aux forceps, Alexandre Mazzia est revenu à la vie. Chez lui! Champagne !
De ce temps passé au sein d’un des plus importants ouvrages de Le Corbusier, il a gardé l’envie d’aller beaucoup plus loin, une équipe fidèle – preuve d’un Chef aux grandes qualités humaines, un modernisme dans l’assiette et le surnom de Fada du milieu de la gastronomie (et certainement pas uniquement marseillaise). Car oui, il a bien un grain de folie Alexandre, une douce folie constructive basée sur une liberté de cuisiner. Une folie et un style déjà bien à lui, balancés entre ses années passées en Afrique (ici le manioc et là le boucané) et un fort penchant pour la cuisine japonaise, utilisé avec justesse dans un tapioca aux milles saveurs ou une glace au wasabi qui contraste et réveille. En équilibre tel les mobiles d’Alex Palenski. En rondeur et en couleurs tel les créations de Gaudi. Ou parfois d’apparence simple et pourtant si structuré telles les maisons de Franck Lloyd Wright où il fait bon habiter.
Le restaurant AM est ouvert. Depuis moins d’une semaine, 9 rue François ROCCA. Dans les beaux quartiers de la ville de Marseille. Mais pas trop. Un peu en retrait. En toute discrétion et toute humilité. Comme Lui.
Humble et sobre également, la salle qui se décline entre matières brutes justement dosées et absence de couleurs (Comme au Cookcoon !!). Je suis étonnée par l’impression de lumière et d’ouverture sur la rue qui se mêle à une toute autre impression contradictoire, celle d’intimité, d’ombre, de petit coin caché. Dans l’angle, un large bar sur lequel Alexandre ajoute à ses créations les dernières notes sous le regard intrigué des convives. Et derrière le bar, la cuisine ouverte. Mais pas trop. Là encore un drôle d’entre-deux entre celui qui ne veut être vu et celui qui se met à nu.
Ne pas entamer le menu sans avoir au préalable remercié Christine et tous les elfes, anges et lutins et fées qui se sont penchés sur le berceau d’Alexandre le Fada pour l’aider, le soutenir et faire naître son projet avec lui. Une aventure un peu folle, comme lui, sur laquelle vous ne manquerez pas de le questionner, car les belles histoires comme celles-ci, sont trop rares. Et là encore la preuve que c’est à un Grand que nous avons à faire.
Biscotte végétale, pommade poivron et pommade citron et déjà des épices qui rappelle les années africaines d’Alexandre
Huitre Gillardeau numéro 1, poudre croustillante d’épices et passion
Maigre drapé autour d’une note de poire, sucre de bacon et chocolat blanc
Oeufs de truite et lait fumé. Eclatement délicat des œufs qui donne une impression de pétillant marin dans un lait fumé apaisant, enrobant. Et presque fruité quand il se confronte au pétillant du champagne. Accord parfait. Je suis charmée.
Tourteau en feuille de capucine, jus betterave, tartare de légumes au citron caviar et lait de poule aux épices. Équilibre dangereux entre l’hyper acide du citron, le sucré du jus réduit de betterave et le poivré de la capucine. Mais le tourteau est là, expressif, combattant ces saveurs et imposant sa présence. Équilibre maîtrisé par l’Architecte.
Esgargot d’encornet, cremosso de chou-fleur et pâte de citron. Là encore une prise de risque. Mais quand tout se mélange, chacun trouve sa place. Simplement comme une purée de chou-fleur de Grand-mère. Qualitativement comme les produits qui garnissent les assiettes.
Saumon brûlé au satey, tapioca en akaysaki &
Sorbet au wasabi, graines de sésame noir et noix de coco
Ici s’exprime l’identité. Le brûlé comme une saveur signature. L’ouverture sur une Asie riche de recettes inconnues. Une gestion de l’épicé sur le fil. Un style joyeux, aux saveurs colorées qui donnent le sourire à une salle comble et comblée.
Langoustine, betterave, condiment datte et jus de poulet grillé. Tout dans la douceur… Une langoustine à la cuisson nacrée, habillée de pétales de betterave. Pure charmante dame de la mer. Et en face, le goût de l’animal à la peau grillée. Une note de sucre. La poésie des fleurs. Rien de plus et déjà tant en si peu.
Et son pain noir au beurre au combawa… Et pourtant je n’aime pas le combawa…
Manioc, escargot de mer, jus animal et huile de piment, sureau. Et sous le drapé, une purée verte de roquette, diplotaxis, épinard, entre beaucoup d’autres… Qui unifie, qui adoucit. Qui lie et achève l’effet haute gourmandise de ce plat aussi bon que joli.
Pigeon, crème de brocoli, voile de riz à la betterave et condiment et sorbet framboise-harissa
Avocat, chocolat blanc et sureau, crumble noir au sésame, bacon, nigelle, olive noire
Lait de petits pois, fraises des bois et radis noir. Timidement sucré. Frais tel un gaspacho. Léger comme les pétales de fleur.
Crémeux citron et écume goyave.
Simple. Sobre, comme après le grand spectacle quand l’Artiste sort discrètement par la porte de derrière.
Tout au long du repas, je finis chaque assiette en me disant « quel boulot! », car même derrière les plus petites compositions, on devine un travail fou de concepteur et de cuisinier. Après le repas, je ne me prive pas de questionner longuement Alex sur comment le lait fumé, et quoi le akaysaki. Pourquoi le lait de petits pois et pourquoi pas la révision d’un dressage. Et Là, je me dis que non, décidément, la savoureuse cuisine n’est pas un coup de chance mais bien issue d’une réflexion, d’une passion, d’inspiration et d’une histoire. De ce qui crée l’identité. Je me dis que Marseille à bien de la chance. Et que le Cookcoon sera heureux et fier d’accueillir le Fada dès que l’été sera passé 🙂 Top là Alex!
Alors je ne peux que vous inviter à faire comme Alexandre, comme son Fils, et comme ceux qui le connaissent – et l’aiment, c’est obligé – , rejoignez votre pouce et votre index et regardez dans cette longue vue imaginaire. Regardez devant et voyez le bel avenir qui se dessine pour Alexandre Mazzia, l’Architecte Cuisinier… Et pour vous quand vous irez vous assoir à sa table. Affaire à suivre…
Restaurant AM – Par Alexandre MAZZIA
9 rue François ROCCA – Marseille – 04 91 24 83 63
Toutes les photos de ce repas chez le Fada certainement pas si fou que ça sur Facebook
Crédit photo Alexandre Mazzia pour la dernière photo