… Aime avoir été obligée de rencontrer Filip et Sandra. De Jonkman.
C’est pour lui que je suis venue à Bruges. Parce qu’il me l’a demandé… Dieu, que mon égo fut flatté. Filip m’a demandé de venir lui donner mon avis… Ce fut donc immédiatement une obligation.
Nous nous étions rencontrés au premier Korean Culinary Lab. Le courant était passé. Nous nous sommes re-croisés aux Flemish Primitives. Depuis nous gardons un oeil l’un sur le travail de l’autre, mais sans jamais nous revoir. Que je suis contente qu’il m’ait faite venir… Quelle merveilleux déjeuner !
Filip est chef et propriétaire de son restaurant depuis 8 ans avec son épouse Sandra qui est autant aux charbons que lui. Longtemps, comme tout Chef, Filip s’est cherché. Cuisinant tout selon beaucoup de courants… C’est un voyage à Tokyo qui lui a ouvert les yeux sur l’importance de la localité. A côté de cela, c’est dans ses propres convictions qu’il a puisé l’envie de cuisiner 100% des ressources d’ici pour valoriser tout ce que la terre, la mer et les hommes peuvent offrir. Ainsi il possède ses propres vaches à lait dont il utilise l’intégralité de la viande par ses techniques de bonification telle que la cuisson au gros sel du rosbeef pour le rendre moelleux à souhait et adapté à un carpaccio de boeuf de grande maison. De même, il fait élever ses porcs… Mais surtout il initie et s’implique dans le mouvement northseachefs (www.northseachefs.com) dont la vocation est, là aussi, de valoriser tout ce que les pêcheurs remontent dans leurs filets. Deux raisons à cet engagement : d’une part sauver les emplois générés par la « culture » de la mer et, d’autre part, montrer aux consommateurs qu’il n’y a pas que le saumon et le thon dans la vie.
Cannelloni au foie gras et champignons
Brioche, avocat et sardine
Terrine de veau, tuile de parmesan, chou fleur
Oeuf de caille coulant, poudre de jambon, poudre de cèpes.
Magnifique cuisson de l’oeuf. Magnifique croustillant des 2 poudres. Et du goût.
Taco de maïs, roulé de magret d’oie, léger fumé, caviar d’aubergine.
Avec la petite note sucrée du maïs qui séduit.
Couteau de la mer du Nord & chou fleur
Finesse de la présentation. Finesse du travail du couteau. Finesse des goûts.
Seiche de la mer du Nord, oignon rouge pickleisé.
Texture au parfait appoint entre le trop caoutchouc et le tout mou.
Boudin noir, petit pain, pomme et topping d’oignon au sésame
Pain aux graines, beurre et saindoux à la peau croustillante
Carpaccio de boeuf de Filip.
Partie pauvre de cette malaimée vache à lait… Cuite au sel plusieurs semaines avant d’être marinée. Textures de céleri rave, crème aigre et petits pains toastés au greenegg. Superbe. Le pain toasté est aussi moelleux que la viande. Les céleris s’expriment et le laiteux de la crème m’emporte. Must-eat dish.
Noix de saint-jacques, carotte en textures, navet, pourpier, crème aigre et avocat, vinaigrette au basilic. De ces plats dont l’énoncé me font pressentir une trop grande complexité mais qui, au final, se révèlent cohérents, riches de saveurs et enchanteurs.
La surprise. Ma petite crevette encore frétillante dans son verre d’eau de mer…
Du verre à la bouteille. The Police is singing… Crevettes frites vivantes à manger de la tête à la queue, crevettes poêlées décortiquées, pakchoi, topinambour, mayonnaise à la noisette. Et le souvenir d’un grand dîner en terre Flemish quelques années plus tôt, pour lequel Filip a coupé en deux par ses propres moyens plus de 700 bouteilles. Poésie. Porteuse d’un message de qualité sur une bête p’ti Pimousse de la mer, petite par la taille et costaude par son gout.
Huitre gratinée au champagne comme la préparait le père de Filip (chef également). Lit de laitue cuite et déclinaison de butternut. Excellente texture raffermie de l’huitre chauffée. Amertume dans la sauce au champagne. Douceur noisettine de la courge. Un très bel équilibre centré sur l’iode de la Dame.
Langoustine, navet et une sauce au fromage doux, entre mimolette et emmental… Malin. Il est malin ce Chef… Effeuillée juste ce qu’il faut pour que je puisse la manger, Dame Langoustine est cuite dans sa carcasse qui va libérer des arômes intenses de crustacés toastés et les propager dans notre nez et dans la sauce. Les navets en accord d’amer mineur et la sauce aux faux airs de jus de marinière m’achèvent… Très malin ce Chef.
Labre. De la famille du bar. De ces quantités de poisson que le gens ne connaissent pas, ne consomment pas, et qui finissent dans les boites de Canigou ou les farines animales. Alors que, pourtant…
Pièce de labre, chou de mer et barbe (deux végétaux de bord de mer qui lui volent des notes salines), oignon et huile à l’oignon brûlé. Cuisson maitrisée magnifique. Garniture dans son plus simple appareil. Objectif de valorisation atteint.
Fletan mi-cuit et brûlé, racine de persil, épinards, bouillon au laurier fumé, zeste d’agrume et poivre
Je ne résiste pas : rapide introduction en cuisine… Trop envie (trop en vie !) de voir le plat suivant se préparer… Alors Filip m’explique le pigeon, en enceinte chauffée à basse température, le greenegg si facile à utiliser, et la cuisson plus longue de la petite patte… Et pour le jus ?… Give a guess Georges… Filip est allé trainer sa spatulette et sa pince dans les cuisines du Fat Duck. Et vous savez ce qu’il en a ramené!! Un Autocuiseur!!! Car, oui, comme expliqué dans les Essentiels de Jean-Pierre Gabriel, l’autocuiseur et sa cuisson sous pression mais sans mouvement est parfaite pour les jus et les consommés et, alors que l’autocuiseur est une invention franco-française, c’est outre-manche qu’il s’est installé dans une cuisine gastronomique professionnelle. Bien entendu, ce n’est ni moi ni la ménagère qu’il faut convaincre mais bien les Chefs. Alors Messieurs, qu’attendez-vous pour piquer la cocotte-minute de Madame ou de Maman ? Ou mieux encore, pour vous offrir un Cookeo ou un Nutricook ?
Pigeon cuit à 50°C puis terminé au greenegg, betterave, jus de pigeon – autocuit ! Ce n’est pas du pigeon, c’est du beurre!!! Et ce jus, profond, intense! J’aurais pu me contenter de la petite bête dans son jus… Quoique le terreux de la betterave sur l’ensemble me va bien. Très bien. Je suis bien.
Orange sanguine, en frais, sorbet et vinaigrette, glace yaourt, crêpe au chocolat blanc, sorbet campari. C’est frais, c’est parfait… Ah bah voilà, y en n’a plus !
Fruit de la passion, noix de coco, sorbet mangue. Quel visuel! Je n’ose le toucher… Et hélàs je ne suis pas follement fruit de la passion que je trouve souvent trop acide… Le sorbet mangue au goût intense me réconcilie en me rappelant de bonnes vacances en Espagne.
Comme je vous l’ai dit, Filip m’a demandé de venir. Pour découvrir son lieu et critiquer sa cuisine. Ce ne fut pas facile, car il n’y a pas beaucoup d’éléments à changer. Alors nous avons parlé. Oui, j’ai suggéré deux ou trois petites choses. Mais ce que j’ai dit, surtout, à Filip, c’est de rester centré sur ce qu’il a de beau en lui et autour de lui… La noix de Saint-jacques est magnifique alors faut-il autant d’éléments qui pourraient la noyer là où ils devraient la valoriser ! Le pigeon, sa cuisson et son jus sont un concentré de bonheur alors, oui, gardons le terreux de la betterave mais les crosnes et le paprika sont-ils indispensables ? J’ai aussi dit à Filip combien son histoire et son actualité sont riches alors qu’il ne se prive pas de nous les servir tout au long du repas. Enfin j’ai souligné la beauté et la force du couple. Mais ça, il le sait déjà, et c’est bien avec « De Jonkman, Sandra & Filip » que j’ai passé un merveilleux moment.
Sans oublier une mention spéciale pour tout le staff adorable… Merci Sandra. Merci Filip. Et à bientôt avec beaucoup de plaisir.
Filip et Sandra Clayes – De Jonkman
www.dejonkman.be – 0032. 50.36.07.67
Bruges – Belgique
Toutes les photos de ce déjeuner vraiment difficilement critiquable sur Facebook