… Aime vivre une rencontre au delà de ses attentes – Stéphane Gautier, Chef et discret
Facebook me rappelle que Stéphane et moi sommes amis virtuels depuis janvier 2012. On se suit, on se « like ». On s’est parlé une fois… J’ai rencontré Stéphane sur les réseaux sociaux alors qu’il officiait à l’auberge des deux Abbesses. Je ne sais plus pourquoi j’ai remarqué ce Chef. Mais je sais que j’ai été séduite par son fil d’actualités. Souvent il écrit simplement ses compositions qui me donnent l’eau à la bouche. « ce soir……le maquereau/le vinaigre de sureau/le condiment agrumes« … « ce soir……les betteraves/la brousse/la groseille/la reglisse« … « bar/artichaut/tilleul/agrumes« … Sur son fil, il y a aussi ses amis et sa famille qui lui passent des messages ou lui souhaitent son anniversaire. Très peu de photos de lui sont mises en ligne. Stéphane est discret. Sans pour autant cacher son amour pour la nature, les animaux, les plantes, et pour de belles assiettes aussi propres que gourmandes qui agrémentent ses posts.
Quelques années plus tard, approximativement en 2015, ou 16, mes pérégrinations mettent enfin les Deux Abbesses sur ma route. Message à Stéphane pour réserver un repas et un dodo. Stéphane me répond que ce n’est pas possible : le lieu est fermé. Direct, je l’appelle, car c’est fou un établissement qui ferme alors qu’il tourne. Mais ce sont des choses qui arrivent. Un propriétaire trop âgé pour continuer mais trop attaché pour vendre et voilà Stéphane arraché de force à une maison qu’il affectionne profondément… De mon côté, c’est un rendez-vous manqué.
Les années passent. Stéphane fait une saison en Provence, puis s’évanouit dans la nature, puis réapparait, à Saintes. Là, il a pris la chefferie des cuisines du relais du bois Saint-Georges. Si l’un de vous connait, je lui envoie une bouteille de gin de top qualité ! Et pourtant…
Le week-end dernier, pour un lancement dont je vous reparlerai bientôt, je suis invitée à Biarritz. Je prends la route le vendredi matin. Alors que je programme mon trajet dans le GPS, je remarque que je passe à … Saintes! Ni une ni deux, je fais un message à Stéphane pour m’arrêter y déjeuner. Impossible me répond-il, l’offre simplifiée du midi a un succès fou et la terrasse est pleine. Zut! En blaguant, je demande si un dîner dimanche soir, sur le trajet du retour, serait possible. Bingo! Le relais est ouvert le dimanche soir et une table m’y attendra. Ma bonne étoile a encore frappé et je suis TROP CONTENTE !!
Le dimanche, en milieu d’après-midi, je réalise que je n’ai pas dit à Stéphane mes préférences alimentaires. A 14h51, message pour l’informer que je mange végétarien, et qu’aux vues de son fil Facebook, ça ne devrait pas être un souci… Malgré tout, je me sens penaude, et stupide, de lui annoncer ces préférences seulement 4h30 avant d’arriver. Surtout un dimanche…
Après un détour par la plage de Royan, je passe enfin le portail du relais du Bois Saint-Georges. A ce moment-là, j’ai senti que ça n’allait pas se passer comme prévu…
Note de l’auteur : mon appareil photo est en réparation et, ce soir, il va terriblement me manquer !
Une grande allée, des parkings arborés (des bornes de chargement Tesla…)… Un chemin pierré qui mène à l’entrée… Le relais serait-il un lieu d’exception sans que je le sache?… L’entrée est chic, le vestiaire décoré de vieilles machines à vapeur. A gauche, les produits d’épicerie fine sont proposés à la vente et plus loin, je découvre une immense salle de restaurant à la charpente de bois peint de blanc, des fauteuils chaleureux, de grandes tables, très espacées, et le tout ouvert par de larges baies vitrées, sur ce qui sera mon lieu de délectation du soir. Je savais que la cuisine de Stéphane était alignée avec mes attentes à dominante végétale, mais à aucun moment je n’avais soupçonné que ce relais était un hôtel-restaurant d’une telle qualité de prestations ! Je suis scotchée et charmée.
La gentille Dame qui m’accueille m’installe à ma table. En terrasse, je suis éclairée par le soleil qui descend dans les arbres, et accompagnée par les cygnes et les canards qui barbotent là, à 2 mètres de moi dans l’étang. Mon regard découvre un parc arboré ponctué d’oeuvres d’art métalliques originales, de grands arbres et d’animaux sauvages mais accoutumés. Stéphane m’apprendra que ce parc de 7 hectares a été racheté il y a quelques 40 ans. Avant cela, en lieu et place était un immense champ de maïs pollué. Un travail fou de régénération des sols, de la faune et de la flore, a été réalisé ici. Bravo et merci à ce Monsieur, un privé, qui a oeuvré.
Gin to’ and the ducks
La même gentille Dame me dit que Stéphane a préparé un menu spécialement pour moi, full légumes (youpi!) tandis qu’un gentil jeune homme m’apporte mon premier gin tonic gastronomique depuis des mois ! Ce dîner est celui de la sortie de crise sanitaire. Il semble vouloir présager de belles choses.
Dès les amuse-bouche, je sens bien que mes attentes vont être dépassées. Bien sûr, Facebook m’avait donné envie de rencontrer ce Chef, mais la discrétion de celui-ci est telle que je n’avais pas vu arriver une cuisine aussi belle, et fine.
Brioche tendre aux herbes / tartelettes petits pois et cassis en pickles / fleur de persil en beignet
C’est bon. C’est très bon même… Ok, un mini micro bémol : la Charente est le pays du beurre doux et une pointe de sel en plus m’aurait bien convenu. Mais c’est vraiment pour chipoter… J’ai tellement aimé cueillir de mes dents la fleur de persil en beignet.
De droite à gauche pour changer : un bon vin et un bon pain / Asperge, lait d’amande (espuma), bois de laurier (poudre) /…
Et avant cela, une glace aux herbes à dominante anisée, accompagnée d’un sabayon citronné servi chaud, sur un crumble. Petit bol pour grand plaisir. Chaud/froid. Salé/sucré. Fondant/croustillant. La quadrature du cercle. J’adore.
Betterave en croute de sel
Artichaut rôti au tilleul / crème de pain / tilleul frit
C’est après cette assiette que j’ai demandé à la gentille Dame s’il ne resterait pas une chambre de disponible à l’hôtel. Elle acquiesce… Parce que je ne peux décemment pas filer trop vite après un tel repas. Je dois absolument partager un moment posé avec Stéphane. Nous avons des choses à nous dire lui et moi… Chou pointu et verveine du jardin… Une composition toute simple. Deux ingrédients annoncés. En réalité, il y en a 3. La pomme s’est immiscée dans la sauce par le biais d’une réduction de jus qui apporte l’acidité parfaite, et dans le chou par des fines lamelles invisibles glissées entre celles du chou rôti. La grande classe. Trop simple me direz-vous? Tellement pas. Prenez un chou pointu. Glissez-y des lamelles de pommes fines comme du papier à cigarette, puis rôtissez-le pour avoir une texture en même temps fondante mais pas trop, et un degré de rôtissage qui amène la caramélisation mais pas la brulure. Tout cela avec assez de délicatesse pour que l’ensemble ne se déstructure pas à la manipulation. La délicatesse est aussi dans la sauce, acidulée et sucrée mais pas trop. Au bon goût de verveine mais pas trop… Allez-y! Faites! Vous verrez que la simplicité apparente de cette assiette cache une minutie folle, un travail de Grand Chef.
Carottes au barbecue, agrumes, céréales / Tartelette aux fraises (je vous la fais courte…) / Crème feuille de figuier sur le fil du goût – Fantastique
Je me suis régalée. Mais tellement !… Après ce grand moment, Stéphane m’a rejointe. Le soleil tombe et le parc s’endort… @Stéphane, merci, tellement. Merci pour cette table réservée sur la tard et pour ce menu dessiné à la dernière minute. Merci pour cette surprise, cette finesse et cette gourmandise. Merci pour ne pas avoir divulgué ton talent sur les réseaux sociaux afin que je vive l’expérience d’une immense surprise!… Même si, clairement, il y a ici un énorme déficit de notoriété… Le Michelin?…. Ils sont venus : Bib gourmand. Juste une grande blague mais le guide rouge n’est plus à une connerie près (pardon pour le gros mot mais je n’en vois pas d’autres à ce niveau-là). Chargé.e de communication? Aucun.e. Rien. Nada. Le relais vit sa vie tranquille cachée au milieu de son parc restauré. La clientèle? Un peu d’ici, beaucoup de passage… C’est fou. C’est même absurde. D’autant que vous ne devinerez jamais le prix de ce dîner : 45 euros. Oui oui, vous avez bien lu! Les tarifs, ici, sont follement bas et enserrent Stéphane dans des contraintes de prix de revient qui rendent l’exercice encore plus difficile… Et l’écologie dans tout ça? Stéphane n’est pas chez lui. Il n’a pas les coudées franches pour faire entrer l’écologie dans sa cuisine autant qu’il le voudrait. Il le regrette beaucoup et fait ce qu’il peut. Ceci dit, comme il me le raconte : quand il est arrivé, même le tri sélectif n’était pas fait. La maison revient de loin. Pour le moment, Stéphane se concentre sur un travail de fond en collaboration avec des producteurs locaux. Ce travail est complété par la culture d’un potager (mais sans salarié dédié) et, surtout, par la cueillette sauvage que Stéphane affectionne particulièrement.
Après ce dîner qui me fit tellement regretter de ne pas avoir mon appareil photo, j’ai promis à Stéphane de revenir pour un temps plus long que celui d’un repas. J’adorerais partir en cueillette avec lui, faire le tour du parc, déambuler dans le potager et immortaliser le Chef en cuisine.
Le lieu aussi mérite un bon appareil et un temps consacré à l’immortaliser. Je vous laisse découvrir quelques images (iphone, désolée…), qui vous feront comprendre pourquoi j’ai aimé rester dormir, épinglée par la surprise de cette incroyable soirée.
De retour dans ma chambre, et après avoir admiré chaque détail de sa décoration, je me suis posée à la terrasse avec accès direct sur le parc… Il fait nuit… J’écoute le chant des grenouilles et savoure encore les parfums de cette soirée improbable… D’un coup, les lumières automatiques du jardin s’allument. Détection de mouvement alors que rien ne bouge… et là, jaillit de derrière un bosquet, un renard. Figé à un mètre de moi. Je suis aussi prostrée que lui… La magie est là. La nature aussi, pleinement et superbement ! Ô temps, suspend ton vol…
Le relais du bois Saint-Georges
www.relaisdubois.com – Ouvert 7 jours/7 !
Walter
2 juin 2021 @ 11:00 pm
Merci de mettre Stéphane en lumière, il est trop peu connu du public et pourtant, sans jamais avoir goûté sa cuisine j’ai toujours eu les sensations que tu décris, juste à lire les noms des plats, les associations…
Un grand talent, juste et humble.
Stéphanie BITEAU
5 juillet 2021 @ 10:37 am
Je crois que tu connais une de tes prochaines destinations gourmandes alors 😉
Caillon
3 juin 2021 @ 7:36 am
Moi je connais j’y ai travaillé 3 semaines au premier passage du chef au moment où il partait.
Il a aussi un très bon second Flavien.
Stéphanie BITEAU
5 juillet 2021 @ 10:37 am
3 semaines, c’est court mais ça a dû être très intéressant 🙂