… Aime manger de la viande là où c’est sensé et bien fait – Ferme-auberge des Sartières
Peut-on encore manger de la viande…
Il y a quelques temps, j’ai vu passer une publication sur le fil d’Arthur Keller, publication qui m’a chiffonnée. M. Keller est expert dans l’approche systémique des problématiques climatiques, expert que j’aime beaucoup, car je le trouve clair et concis.
Cette publication fustigeait la consommation de viande et l’élevage quelle que soit sa forme, et expliquait qu’il faudrait les éradiquer intégralement et immédiatement, y compris ce qui est nommé « le petit élevage paysan »… Je ne suis ni experte en volume de CO2 émis par la production de viande, ni anti-vegans, ni éleveuse. Mais je suis quelqu’un qui vit dans un espace, le marais breton vendéen où, en dehors des animaux, peu d’activités agricoles sont possibles. Je suis aussi une observatrice qui lit, compile, écoute et qui va à la rencontre de personnes qui me semblent sensées et engagées.
Et je ne suis pas raccord avec la politique du « zéro protéine animale ».
D’une part, je pense que parler de passer de la société actuelle, où la viande est prédominante, à une société 100% végétarienne, voire végan, c’est la meilleure façon de perdre l’adhésion de la masse populaire quant à l’idée d’un changement de consommation. Allons-y étape par étape s’il vous plait.
De plus, j’ai la conviction que les animaux ont leur place dans le cycle paysan comme dans celui de la vie sur terre.
Marc-André Selosse, illustre biologiste chercheur-enseignant, hautement engagé écologiquement, le dit lui-même dans cette vidéo « Quelle agriculture pour demain ? » : https://youtu.be/fO6pIZaxvxo. A 17 minutes 40 secondes, je cite,
« On vit dans une société où on dit qu’il faut manger moins de viande…/…Il y a des écosystèmes où les sols sont complètement verrouillés par les tanins qui empêchent la minéralisation, l’action de décomposition, de se faire. Dans ces écosystèmes, les plantes ne poussent pas beaucoup. Ce sont les landes du Conémara, ce sont les landes bretonnes, ce sont les landes et les pelouses d’altitude dans le Massif Central… Dans ces écosystèmes-là, à moins de les perturber drastiquement, en amenant du pouvoir tampon, de l’azote, du phosphate, à moins de faire des choses qui nous coûteraient un effet de serre colossal, il est hors de question de planter une salade… Il y a des sols à viande. »
Gaspard, paysan céréalier éleveur boulanger dans le Limousin, expliquent dans « LES RÉSISTANTS – Saison 2, épisode 1 : LA CLEF DU SOL », par Nicolas Fay : https://youtu.be/sNd6iVLlat0. A la minute 7, le cite :
« Argile… Sols secs en été et humides en hiver…/… Soit on matraque de phyto, d’engrais, soit on la prend telle qu’elle est mais il faut savoir la cultiver…/… Un système cohérent agronomiquement, c’est des cultures et de l’élevage…/… Avec uniquement des rotations de cultures, le sol va s’épuiser beaucoup plus vite. L’élevage, lui, permet de redynamiser le sol. »
De mon côté, j’observe ce marais breton vendéen magnifique où je vis, et où l’agriculture pratiquée n’est que l’élevage, ou le foin pour l’élevage. Déjà, je souhaite bon courage à qui voudrait venir faire du maraichage ou des céréales ici. Avec sa terre 99,99% argileuse, gadouilleuse, impraticable l’hiver (quand elle n’est pas tout simplement sous l’eau), et dure comme de la pierre l’été, le marais n’est propice à rien d’autres qu’à la vie animale joyeuse. De plus, ce marais et ses pâturages, travaillent à la captation de CO2 comme à la protection de la biodiversité. Si ces terres étaient cultivées, même en super bio bla bla bla, les oiseaux ne pourraient pas nicher dans les hautes herbes et je ne profiterais pas du vol matinal du hibou du marais par exemple. Il faudrait donc abandonner ces zones de landes ou de marais et ne rien y faire du tout?… Certes la nature y reprendrait ses droits. Cependant, ce serait aussi laisser de côté des terres agricoles en mesure d’apporter des calories et des services systémiques. Bref, ce ne serait pas mon choix.
Ferme-auberge des Sartières
Ma visite à la ferme des Sartières a renforcé ma conviction : il y a une place réelle et noble pour l’animal dans nos pratiques paysannes.
En avant propos, je tiens à rappeler que la viande a disparu de ma liste de courses à 99,99%. J’ai déjà partagé sur ce blog de nombreuses recettes incitant à réduire sa consommation de protéines animales en faveur des protéines végétales et mes proches vous confirmeront qu’ils ne trouvent pas d’animal à la carte quand ils mangent à la maison (Allez, un saucisson de temps en temps, et un pot de rillettes quand je craque). Pour autant, quand je suis dans un lieu où il est pertinent de manger de la viande, ou du poisson, je n’hésite pas.
La ferme des Sartières est l’entreprise de Céline et de son mari.
Céline, d’origine Marseillaise, est arrivée dans le marais il y a 12 ans. Là, elle a pris les rênes de la structure d’accueil de la ferme de son mari et reçoit les touristes curieux de découvrir la magie du marais breton vendéen, de profiter du calme et de s’immerger dans l’univers d’une ferme plus que bio et pratiquant la polyculture. Cet accueil peut être de plusieurs jours aux gîtes ou de quelques heures à la table d’hôte. C’est le temps d’un repas, puis d’une visite de la ferme, que j’ai échangé avec Céline.
Les activités de la ferme sont nombreuses ; Vaches, volailles, cochons (longuet, avec une queue et des dents… Pas de maltraitance animale dans un élevage raisonné raisonnable). Il y a aussi un potager de 5000m2 et quelques fruitiers destinés à la table d’hôte et aux conserves. Il faut savoir que l’auberge est autonome à 90% pour ses matières premières. Les 10% restant sont achetés à la Biocoop, où j’ai d’ailleurs rencontré Céline (en faisant la queue à la caisse)… Enfin il y a le blé.
Je ne vais pas détailler plus mais juste donner un exemple quant à l’intérêt de maintenir de l’élevage et de le combiner à la culture : cette ferme est autonome en alimentation pour les cochons. Ceux-ci sont nourris avec les déchets de la culture du blé. Bien entendu, ils profitent aussi des déchets de la table d’hôte. Mais comme Céline cuisine extrêmement bien, il y en a peu!
Aux Sartières, nous sommes aux antipodes de ce qui se pratique actuellement en France, à savoir :
– d’un côté, une concentration des élevages de cochons en Bretagne d’où des sols et des eaux saturées en nitrates et provocant le développement catastrophique des algues vertes,
– de l’autre, des étendues de cultures céréalières en Beauce, où on apporte des tonnes de … nitrates!… pour perfuser les sols qui ne donnent plus rien.
Pardon Messieurs et Mesdames les Exploitants, ne serait-il pas plus facile et malin de mettre les cochons au milieu des céréales???? On est vraiment complètement tombés sur la tête…
Aux Sartières, céréales et cochons vivent ensemble et se nourrissent les uns les autres dans un cercle vertueux et, surtout, dans un équilibre « hectares de blé / nombre de cochons » intelligents afin de ne pas générer de rejet ou déchet.
A table!
Céline tient l’auberge à elle seule. Ex secrétaire, elle s’est mise en fourneaux pour l’auberge. Elle est autodidacte et propose la cuisine simple d’une Maman soucieuse de la qualité de la nourriture de ses convives.
Je rappelle que je ne cuisine jamais de viande chez moi. Et je précise que je ne suis pas une grande amatrice de viande. Mais là, j’avoue, je me suis ré-ga-lée ! Que ce soit avec les produits issus des animaux de la ferme ou avec les bons légumes de leur potager, je me suis faite plaisir du début à la fin. Vraiment.
En entrée, je me suis d’abord régalée de la salle que j’ausculte dans les détails. Céline et son mari sont grands amateurs de brocante et ont agrémenté leur lieu de nombreux objets issus de la tradition locale. Pour accompagner ce moment de découverte visuelle, Céline me sert un petit bol de gésiers confits maison (tout est maison de toute façon), absolument divins ! Je passerai en acheter un pot à la boutique de la ferme avant de repartir. En accompagnement, un petit vin rouge élevé en biodynamie, par des amis de Céline, la famille Landron-Chartier, dans la région d’Ancenis. (Je ne boirai évidemment pas toute la bouteille et ramènerai le restant à la maison…).
Ensuite, en entrée, viennent des rillettes de pintade et une salade tomate-concombre-vinaigrette aux oignons rouges confits. Si je n’avais pas eu en tête le fait qu’il y a un plat après, j’aurais tout mangé. Le reste de salade est aussi rentrée à la maison avec moi ;).
En plat, une excellente cuisse de canard aux pruneaux et aux champignons, avec quelques belles Parmentières vapeur.
Viendront pour finir, une tomme de vache de la ferme du Marais Champs et un clafoutis aux prunes du verger.
Autant vous dire qu’après tout ça, j’étais calée. La visite de la ferme qui a suivi fut l’occasion d’une marche digestive et instructive aux côtés de Céline et des autres convives de ce déjeuner.
Ce menu généreux, local, bio et de grande qualité m’a coûté 26,50 euros (sans le vin), sachant que je suis repartie avec 3 bocaux (que j’avais prévus héhé!) remplis des restes de salade de tomate, canard aux pruneaux et pommes de terre. Sans oublier la bouteille de vin entamée.
Ferme-auberge des Sartières
L’auberge des Sartières est située à Beauvoir-sur-mer. Elle vous accueille de Pâques à Octobre, uniquement les vendredi soirs, samedi soirs et dimanche midis. Elle peut vous accueillir à d’autres moments sur réservation.
Vous y trouvez également un magasin à la ferme ouvert du mardi au dimanche de 18h à 19h30 (autres horaires sur demande) et un gîte pour le dodo. Tous les détails sont sur le site de Bienvenue à la ferme.
Découvrir les travaux d’Arthur Keller
En conclusion
Pour terminer, il y a un point que je n’ai pas soulevé. Si certains pensent qu’il faut stopper toute forme d’élevage pour réduire les émissions de G.E.S, il y en a d’autres qui sont contre l’élevage, car il consiste à tuer ou à exploiter des animaux pour se nourrir. J’entends ce point de vue. Maintenant, mon point de vue à moi est que la nature elle-même a créé des individus carnivores. Manger de la protéine animale fait partie du cycle de la vie. Bien sûr il est important de respecter l’animal et de faire en sorte qu’il ne souffre pas. C’est pour cela que je suis extrêmement favorable aux projets d’abattage à la ferme et extrêmement contre les élevages intensifs et les maltraitances (quelles qu’elles soient et envers quiconque d’ailleurs). Mais j’avoue que je n’ai pas d’état dâme à savourer les rillettes de porc de Céline ni le bon fromage du Marais Champs.
En conclusion de la conclusion, ce qui est important et ce qui nous mettra tous d’accord en fin de débat, c’est la nécessité de se poser des questions. Pour ou contre la consommation de viande? Oui mais quelle viande? Dans quel élevage? Dans quelles conditions? A quelle distance de chez moi? L’animal souffre-t-il?… A chacun de faire ses choix, mais à tous le devoir de comprendre et choisir en conscience.