… Aime passer des cuisines à la salle… La Marine, Alexandre et Céline Couillon, « pause-déjeuner »
Après une semaine en coulisses à regarder s’envoler les assiettes entre les bras de Céline, Thibaud, Manu et Tatiana, je me décidai à repasser côté scène pour vivre autrement un menu dégustation que j’avais vu préparer des centaines de fois. Expérience inédite que celle de découvrir, assise à ma table, et replacées dans le contexte du Grand Menu, chacune des assiettes que j’avais appris à connaitre comme une amie intime. De l’intérieur.
L’Herbaudière… 31 Août 2012
Pomme de terre… Ecume velour… Chips… Crème glacée enfantine.
… Je sais où je suis… Savoir chez qui nous sommes à la première mignardise.
Etre exactement là où nous voulions être.
Croustillant en friture d’algue et crème d’huitre de Noirmoutier.
Retrouver dans la crème le grassouillet sensuel de l’huître fraiche.
Avocat banane et rapée de chou-fleur.
Attaque un peu acre du chou-fleur crû et fin.
Rapidement rattrapée par la douceur de la banane qui enveloppe.
Cracker thon blanc et jaune d’œuf confit… Œufs de truite et poudre de câpre.
Tomate, fraise, mizotte (fromage vendéen), orange sanguine
Palourde, carotte en pulpe-jus vinaigrée, estragon en bavarois, fleur de carotte
Lame de Sardine marinée, artichaut orange
Terre, végétal, local. 3 bouchées. Trois intensités.
Huître. La Sublime. De ces plats qui vous rendent heureux parce que vous êtes sur le point de les manger et que vous savez déjà… De ces plats qui vous rendent triste à l’idée de ne plus les manger… Je me rappelle le choc de ma première fois… J’entends les mots d’Alexandre qui raconte l’huître en coulisses… J’imagine que bientôt elle disparaitra pour revenir, un jour, comme masterpiece d’un menu des historiques.
Petite langoustine de petit restaurant de bord de mer… Petits pois. Petite framboise. Et petit tronçon de pomme imprégné, petite note de menthe et tout petit bout de zeste d’orange… (NDLR : Et petit clin d’œil taquin au Chef…)… Tout petit ensemble pour un grand voyage qui me balance d’un bout à l’autre de mes souvenirs. Menthe du Maroc… Petits pois de la gosse qui se sustentait du jus des conserves de ce doux légume…. Un peu de la langoustine me raccroche à l’Herbaudière. Puis l’orange qui me fait de nouveau partir au Maroc… Les petits vergers où furent cueillies les framboises et les pommes… Pour finalement revenir en cuisine où se tient le secret de la parfaite cuisson de la Belle.
Merlan. Écume chèvre. Melon imprégné à l’aigre doux, courgette zéphyr.
Passer d’un plat qui vous balade de souvenirs en souvenirs à un autre qui ne vous raccroche à rien… Parce que jamais vous n’avez mangé un poisson, si parfaitement cuit, associé avec justesse au goût de chèvre et à un melon acidulé… Comment raconter… Chercher en soi le ressenti… Si l’association de la gentillesse, de la sagesse et de la gaité avait un goût, ce serait celui-là…
Maïs, lotte et cresson… Je voudrais vous faire toucher du doigt la texture de la lotte… Minutieusement se préparer une bouchée parfaite : un peu de lotte, touche de purée de panais mêlée à l’écume de maïs, un myrtille vinaigrée, quelques grains de mais et quelques œufs de truite, sans omettre une pousse de cresson… Fermer les yeux… Et profiter de ces minutes trop petites où la délicieuse sensation palatine se mélange aux souvenirs… Rires des filles qui jouent dans le jardin tandis que je cueille le cresson sous le soleil… Confidences d’Alex, heureux, au coin du plan de travail pendant que j’égrène les adorables mini épis… Gentillesse de Céline qui me rappelle de ne pas oublier le bol bleu… Et toute l’énergie d’une équipe engagée qui a supporté le trublion que j’ai été durant ces belles journées… Là encore, je suis en train de manger un Grand plat.
Homard. Betteraves. Amarante. Purée de chou-fleur boucané aux aiguilles de pin… Après un plat chargé des saveurs des souvenirs, un autre où la vision de la texture du homard efface les souvenirs. Tous les souvenirs de homard disparaissent assassinés dans un bain de sang de betterave et dans une chair molle aux fibres sensuelles. Que celui-ci soit l’Unique tant il est bon et même choquant par son excellence.
Canard. Cornichons snackés. Groseille blanche. Coriandre.
Là encore, de l’Excellent. Excellence d’un produit et excellence d’une cuisson. Le canard est sous total contrôle et mon bonheur aussi. Avec eux, une présence officielle de la coriandre qui emmène en voyage… Asie ?… Afrique du Nord ?… L’Asie s’impose car elle résonne dans la présence officieuse et cachée de l’ail noir… Non non non ! Thibaud, ne retire pas mon assiette ! Il reste de ce jus qui ne peut finir ailleurs que sur ma langue, porté par le pain maison cuit quelques minutes à peine avant chaque service.
Algues, chocolat, eucalyptus… A peine l’assiette posée, vous êtes embrassés par des embruns… Manger une plaque de chocolat de Marcolini le cul posé au bord de l’eau… Respirer un air marin chargé des arômes rafraichissants de l’eucalyptus. Le mélange se fait troublant pour tous les sens. Les oreilles sont surprises quand Céline dépose ces 3 mots devant vous. Les yeux s’embrasent devant la beauté de l’assiette. Le nez est envahi par un trio de parfums jamais rencontrés aussi sûrs d’eux et de leur belle association. Puis enfin le palais ne peut retenir un rire de plaisir quand le sable, la meringue et le froid taquinent sa peau délicate, ouvrant les papilles toutes grandes pour mieux recevoir les saveurs… Fou. Ce dessert est fou…
Fraise, rhubarbe, concombre en sorbet et dans sa fleur, lamelle de rhubarbe, meringue et éponge pistache. Un jardin fleuri adossé à un potager généreux. Allongé au milieu, je savoure l’accord couleur et fraicheur avec un Bugey qui a osé se travestir en un cidre de fruits rouges.
Foin… Souvenir d’une larme iodée… qui ne se fait plus souvenir mais actualité.
Alex, je… enfin je… Enfin tu vois quoi…
Refermer ce billet… Non, le laisser ouvert. Comme une façon de rester encore délicieusement embourbée dans mes émotions…
La Marine
Alexandre et Céline Couillon… et tous les autres, Fred, Clément, Lucie, Thibaud, Manu, Tatiana, Antoine, La Table d’Elise, Tous.
Port de l’Herbaudière – Noirmoutier
http://restaurantlamarine.blogspot.fr
Toutes les photos de ce Grand Déjeuner dans un petit restaurant de bord de mer sur facebook
Stéphanie
10 septembre 2012 @ 9:25 am
Je ne connaissais pas le fromage vendéen « mizotte ». Bisous